Pourquoi l’appelle-t-on grand aïoli ? Sans doute pour le différencier de la traditionnelle sauce que l’on retrouve en Espagne et dans d’autres régions du pays. Certains l’appellent aussi aïoli garni… Mais dans ma famille, lorsqu’on parle d’aïoli, tout le monde se comprend : on désigne ce grand plat convivial, à manger en famille ou entre amis, dans le jardin en été, bercés par le son des cigales.
Comme beaucoup de plats provençaux, pas besoin de techniques particulières, il n’y a pas de grosse difficulté… La réussite de l’aïoli repose sur le choix des produits, de saison et de région, et le fait de les cuisiner avec respect et amour. On favorise d’ailleurs une cuisson des légumes à la vapeur pour garder nutriments et saveurs. C’est un plat accessible, facile à réaliser, mais qui demande un travail de préparation puisque chacun des ingrédients est cuit séparément. Enfin, chaque famille a sa recette, voici la mienne.
La sauce Aïoli
Traditionnellement, l’aïoli provençal ne se prépare qu’avec de l’ail frais, de l’huile d’olive, un pilon et un mortier (et de préférence, en bois d’olivier). La difficulté, et toute la force de l’aïoli, vient du fait qu’il soit monté au pilon après avoir écrasé quelques gousses d’ail au fond du mortier. L’huile d’olive est aussi ce qui lui donne sa force. Contrairement à une mayonnaise ou autre aïoli monté avec une huile neutre (comme l’huile de tournesol), l’aïoli provençal ne jure que par l’huile d’olive de région, puissante.
Cependant, je ne vais pas vous cacher que de nombreux Provençaux ajoutent aujourd’hui un jaune d’oeuf pour être sûr de réussir leur aïoli. Moi compris. Certains le montent aussi au fouet, car c’est ainsi plus simple à réaliser.
Il est difficile de donner “la recette” car habituellement, je prépare mon aïoli à l'œil et en fonction du nombre d’invités. Mais pour 4 à 6 personnes environ, il faut compter :
Placer les gousses d’ail pelées et dégermées au centre d’un mortier et les “piler”, les écraser au pilon, pour créer une purée fine. Mélanger ensuite avec le jaune d’œuf, et idéalement à la cuillère en bois, puis ajouter petit à petit et en fin filet, l’huile d’olive. Attention à ne pas avoir la main trop lourde, on conseille de verser doucement. Même si la réalisation est plus longue, elle est aussi plus sûre. Versez rapidement, et vous risquez de “faire tomber” votre préparation.
Mes secrets de cuisine
Faire tomber la préparation justement, c’est ce que tout le monde redoute. En effet, il n’est pas toujours facile de monter un aïoli, et que celui-ci se tienne. Chaque famille a ses secrets pour à la fois réaliser et garder un bel aïoli.
- Une demi-heure avant de préparer mon aïoli, je sors tous les ingrédients. Ail, huile et oeuf (s’il y a) doivent être à même température, ambiante. C’est la même chose d’ailleurs pour la mayonnaise.
- Il faut toujours tourner dans le même sens… Peut-être est-ce une simple croyance, mais c’est ainsi qu’on le prépare dans ma famille.
- Éviter de le préparer dans une pièce trop chaude, les différences de température (ou les températures extrêmes) peuvent lui être fatales. Ainsi, si le grand aïoli se déguste en plein été en Provence, on évite de le préparer à l’extérieur. On préfère la fraîcheur d’un mas (ou d’une salle de bain !)
- Si l’aïoli est retombé, vous pouvez écraser la moitié d’un jaune d’oeuf ou un petit bout de pomme de terre, et mélanger. Cela devrait lui apporter un peu plus de tenue et de texture.
Le signe de la réussite, c’est lorsque le pilon (ou le fouet) reste bien droit au centre de la sauce.
Le plat (Aïoli Garni)
L’aïoli, comme l’anchoïade, est à la fois une sauce et un plat avec lequel la sauce est dégustée. Les deux recettes se ressemblent beaucoup d’ailleurs puisque toutes deux sont dégustées avec des légumes de saison, frais et à peine cuisinés. L’aïoli cependant, véritable plat entre terre et mer, accompagne aussi de la morue dessalée, mollusques et crustacés (crevettes, supions et bulots).

C’est un plat convivial et généreux qui n’est pas vraiment conçu pour être mangé à deux. On le préfère sur de grandes tablées, en famille, entre amis, en été. Et c’est ce qui fait tout son charme. Dans mon aïoli provençal, on retrouve ainsi des :
- pommes de terre,
- carottes,
- courgettes,
- haricots verts,
- et parfois, en fonction de la saison et des marchés, des asperges, des artichauts verts de Provence, du chou-fleur
- de la morue dessalée,
- bulots ou petits escargots, limaçons,
- crevettes,
- supions,
- oeufs durs.
Cependant, chacun ajoute ce qu’il aime manger avec une sauce aillée.
Cuisson du Grand Aïoli
Sortir la morue et la mettre dans une bassine d’eau froide la veille de la dégustation afin d’enlever un maximum de sel.
En termes de cuisson, les légumes sont de préférence cuits à la vapeur afin d’en garder à la fois saveurs et bienfaits. Si vous avez un panier vapeur, l’idéal est de rassembler les légumes entiers dans le panier, et de le placer au-dessus d’une marmite d’eau bouillante. De préférence, les pommes de terre au fond du panier, puis les carottes et les courgettes (plus rapides à cuire). Faire cuire les haricots verts à part.
Crevettes et supions peuvent être cuits séparément, et chacun dans un court bouillon avec un bouquet garni. La morue est pochée dans de l’eau bouillante avec du laurier. Cuire enfin les oeufs durs, 10 minutes dans de l’eau bouillante.
Rassembler tous ces éléments dans un grand plat en aluminium, en terre ou en céramique provençale, l’aïoli au centre (et toujours dans son mortier). Ce grand aïoli se déguste avec un verre de rosé, provençal de préférence, léger et bien frais.
Le plus agréable après avoir mangé un aïoli, c’est la sieste qui l’accompagne à l’ombre des platanes et au doux son des cigales… Car la rumeur dit que l’ail favorise le sommeil.